Je fus contactée récemment par une élève d’une école de mode, qui prépare actuellement le CAP, qui avait pour travail d’interviewer un(e) professionnel(le) de la couture. D’abord, un peu surprise que cette élève me contacte moi, car je ne vois pas toujours comme une « professionnelle », j’ai décidé de répondre à ses questions. Cela m’a permis de faire le point, tout simplement. J’avais l’habitude, sur ce blog, en chaque début d’année, de faire le bilan de l’année écoulée et de me projeter dans l’année à venir. Cette année, je ne l’ai pas fait mais cette interview est l’occasion de le faire d’une certaine façon. Je retranscris dans ce billet ses questions et mes réponses.
1 – En quoi consiste votre métier ?
J’ai un emploi rémunéré qui me permet de vivre, de payer mon loyer et mes factures, etc., et j’ai aussi mon travail de créatrice. Il y a maintenant presque quatre ans que je me suis rendue compte que mon emploi ne me « suffisait » pas et je me suis inscrite sur la plateforme Etsy. Mon envie à ce moment-là n’était pas très précise : exprimer ma créativité. J’ai créé ensuite une page Facebook, un compte Instagram et un blog sur Worpress où je partage des informations sur ma boutique, mes produits et le DIY en général. Ce que je préfère dans mon activité de créatrice est la diversité des activités ; il y a, bien sûr, la création à proprement parler mais aussi la photographie (pour valoriser mes produits), la communication, la recherche de nouvelles tendances.
2 – Quelle formation avez-vous suivie ? Pourquoi êtes-vous devenue couturière ?
J’ai commencé la couture très tard, vers 25 ans. Durant mon enfance, j’ai passé de longues heures à regarder ma mère coudre. Je l’aidais un peu mais je n’avais pas forcément le droit de me servir de sa machine à coudre. Puis, une de mes amies m’a offert ma première machine à coudre et ça a été la révélation ! Grâce aux heures passées à regarder ma mère, j’avais intégré ses gestes et je les ai reproduits tout naturellement. Comme tout le monde, j’ai commencé par coudre des accessoires puis des vêtements. J’ai d’abord emprunté des livres de couture à la bibliothèque et regardé de nombreuses vidéos de tutoriels pour m’améliorer. Quelques années plus tard, arrivée à Paris, j’ai pris des cours aux Cours Municipaux d’Adultes. Puis l’année dernière, en 2019, j’ai passé et obtenu le CAP en candidate libre. Pour réussir cet examen, j’ai pris des conseils sur différents sites et blogs, achetés et empruntés des livres et j’ai aussi acheté les cours vidéos du site d’Artesane qui préparent au CAP.
3 – À quoi ressemble une journée-type ?
Une journée-type, c’est d’abord une journée où je me rends sur le lieu de mon emploi rémunéré. Je profite des moments libres que me laisse cet emploi pour travailler en tant que créatrice, notamment durant mon temps de trajet qui est environ de 15h par semaine ! C’est durant ce temps que je poste sur les réseaux sociaux, j’écris mes billets de blog, je fais mes recherches, j’écris mes fiches produits. Et je consacre environ une voire deux journées par mois à la fabrication des produits. Cela explique ma faible « production ». J’ai trouvé un équilibre mais celui-ci est fragile ! La vie quotidienne et les imprévus viennent toujours le bouleverser. Et je tiens également à garder du temps pour coudre en dehors de ma boutique et m’adonner à mes autres passions : cinéma, tricot, cuisine, broderie, dessin, expositions ; sans oublier de passer du temps avec mes proches ! Mes journées sont en somme bien remplies !
4 – Quelles sont vos expériences professionnelles ?
Hormis mon expérience de créatrice via la plateforme Etsy, je n’ai pas d’expérience dans le domaine du textile et de la mode. Mais obtenir le CAP Métiers de la Mode était pour moi une première étape vers une reconversion professionnelle. Je suis actuellement d’ailleurs en pleine réflexion. Le métier rémunéré que j’occupe actuellement ne me convient plus et je souhaite un métier qui correspond plus à mon besoin d’exprimer ma créativité et en accord avec mes valeurs : le partage, la solidarité et le respect de l’environnement.
5 – Y a-t-il une différence entre l’idée qu’on a du métier et la réalité ?
J’imagine que cela est aussi le cas dans le domaine de la mode et du textile, comme cela est le cas pour tous les métiers. Lorsqu’on est jeune et qu’on se projette dans un métier pour lequel on se forme, on idéalise toujours un peu ce métier. C’est pour cela qu’il est bon de choisir une voie professionnalisante, où l’on est en alternance ou bien où l’on fait des stages, pour se confronter à la réalité. Le tout, une fois rentré(e) dans le monde du travail est de faire avec cet écart. Je pense que cela s’appelle grandir.
6 – Selon vous quelles sont les compétences nécessaires pour réussir en tant que couturière/brodeuse ?
En termes de savoir, il faut avoir des connaissances sur les différentes matières, les tissus et sur l’histoire de la mode. En termes de compétences, il faut évidemment maîtriser toutes les techniques de couture ou de broderie, mais aussi savoir réparer les machines, savoir faire un croquis, savoir respecter les délais, savoir gérer son temps. Tout ce qu’on apprend pour passer le CAP, que cela soit à l’école ou en candidat libre !
7 – Quelles qualités personnelles pensez-vous bien de posséder ?
Selon moi, pour exercer un métier comme couturier(ière) ou brodeur(euse), il faut être patient(e), précis(e), organisé(e), autonome et avoir un certain sens de l’esthétisme.
8 – Parlez-nous des avantages et des inconvénients de votre métier ?
Mon activité de créatrice est une activité que je fais en plus de mon emploi rémunéré. Cela est évidemment le plus grand inconvénient car elle passe souvent après tout le reste : après mon emploi rémunéré, après la vie quotidienne et ses obligations. L’avantage de cette activité est que je n’ai pas besoin d’elle pour vivre, c’est-à-dire payer mes factures et mon loyer. Je suis donc libre d’y travailler quand je veux, sans contrainte. Je peux faire le choix de ne rien faire. Autre avantage : dans mon activité de créatrice, c’est moi qui mène la barre, qui prends les décisions, toutes les décisions stratégiques : la ligne commerciale, la communication, etc. Toutefois, cette double vie me pèse. J’aspire à autre chose. C’est la raison pour laquelle j’ai passé le CAP et que je suis en ce moment en pleine remise en question d’un point de vue professionnel.
9 – Avez-vous une bonne relation avec vos clients ?
Jusqu’à présent oui. Je suis très claire dans la description de mes produits et ma façon de les fabriquer. Mes clients savent que cela est vraiment artisanal et c’est ce qu’ils recherchent.
10 – Gérer votre blog est-ce pour vous une charge supplémentaire ?
Gérer un blog est même une activité à part entière. La publication de billets doit être régulière si vous voulez vous forger un auditoire. L’idéal est de publier une fois par semaine et c’est ce que je faisais au début. Maintenant, je publie deux billets par mois. Avant d’ouvrir le blog lié à ma boutique, j’avais déjà une pratique de blogging puisque j’avais un blog de cuisine. J’aime écrire et partager mes découvertes. Je ne me voyais pas arrêter !
11- Par quel moyen vendez-vous vos créations ?
Je vends mes créations via la plateforme Etsy, plateforme où des artisans du monde entier peuvent vendre leurs créations. J’aimerais faire des salons mais cela n’est pas encore possible au vu de ma production. Etsy n’est pas non plus l’idéal. Ils vendent du rêve aux créateurs mais les créateurs français qui en sortent un salaire équivalent au smic sont de 1%. On se rend compte également que les vendeurs qui s’en sortent le mieux sont ceux qui vendent des articles vintage (donc qui ne fabriquent pas leurs produits) ou bien ceux qui externalisent la production. C’est un peu dommage. Moi, je prends Etsy comme un tremplin, une première marche vers autre chose.